Le don de la vie
Le rendez-vous avait été pris il y a longtemps, déjà. Déjà repoussé une fois, je n'avais pas eu envie de le décaler à nouveau. C'était trop important. Pour moi, pour d'autres aussi, peut-être. Alors, un coup de fil m'a permis de vérifier que le traitement antibiotique de ces derniers jours ne gênerait en rien, et ce midi, j'ai pris le chemin de la Pitié-Salpêtrière, pavillon Lavéran.
Un dossier, un rendez-vous avec le plus adorable des médecins qui soit et quatre tubes de sang plus tard, l'infirmière m'a fait mon bandage en me disant, rigolarde : "un gros pansement pour une petite piqûre !". "Oh, c'est pour nous donner l'impression que nous sommes braves..." Elle est devenue très sérieuse, tout à coup, et m'a répondu : "Mais c'est courageux, ce que vous êtes en train de faire !" Ah ? Est-ce vraiment cela, le courage ?
Ce midi, j'ai finalisé mon inscription sur le registre des donneurs de moelle osseuse. Ca m'a demandé une demi-heure de mon temps, et quatre tubes à essai de sang - moins que pour un don du sang classique. Je n'y vois ni courage, ni militantisme. Simplement, au fond, de la reconnaissance, parce que malgré ma petite santé de ces deux dernières années, qui me fait attraper tous les virus hivernaux qui passent, je n'ai à me plaindre d'aucune pathologie sérieuse. Les lois de la génétique ont fait de moi une donneuse universelle, et je ne crois pas que les notions de "progrès de la médecine" et de "solidarité" doivent rester de belles idées sans application pratique. Alors oui, j'essaye de donner mon sang régulièrement, j'ai fait connaître autour de moi mon désir, au moment de mon décès, de voir mes organes utilisés pour sauver des vies, s'ils peuvent l'être, et j'ai demandé mon inscription au fichier international des donneurs de moelle osseuse.
Les établissements hospitaliers manquent cruellement des différents produits sanguins : sang, plaquettes, plasma... Donner votre sang prendra environ une demi-heure de votre temps. Donner vos plaquettes, environ trois heures. Votre plasma, deux. Malheureusement, ces produits ne se conservent pas : 42 jours maxi pour les globules rouges. Le sang, c'est la vie. Donner régulièrement, c'est permettre de sauver des vies, sans autre coût qu'un peu de temps passé dans un centre de transfusion, régulier ou mobile, et une piqûre. (Quelqu'un pourrait-il d'ailleurs m'expliquer pourquoi les piqûres de prélèvement sanguin me laissent moins de bleus que des piqûres d'injection de médicaments ou de vaccins ??)
Bref, au risque de paraître gnan-gnan : donnez. Donnez votre sang, au moins deux fois par an si vous le pouvez. Donnez votre moelle osseuse (ou au moins la possibilité de faire appel à vous en cas de besoin). On sort de là fier de soi. A juste titre.