Billet à huit pattes
Elle est arrivée chez moi il y a cinq mois de son Sud natal, grâce à l'association d'Eric, et à l'entremise de Flanelle, qui m'a fait découvrir leur action. Les débuts furent difficiles, décourageants parfois. Je ne la voyais pas évoluer, je ne la voyais pas heureuse. Souvent, je ne la voyais pas du tout, d'ailleurs : elle a passé les premières semaines terrée sous le bac de la douche, puis sous mon clic-clac, laissé en permanence en position "lit" pour lui offrir cet abri dont elle avait besoin. Il y a eu des larmes, beaucoup, de peine et d'impuissance souvent, de pure félicité parfois, quand elle venait s'offrir à ma main pour quelques câlins, et me faisait le cadeau de ses ronronnements...
Et puis, petit à petit, elle s'est apprivoisée, s'est enhardie. Elle a accepté de sortir des abris que je lui avais ménagés. Elle a cessé de détaler systématiquement dès que je bougeais. Elle m'a regardée, assise, attentive, pendant que je lisais ou que j'écrivais. Elle s'est laissée prendre en photo, complaisamment. Je l'ai parfois laissée, le temps d'un week-end, et si la voisine qui venait alors s'occuper d'elle n'a jamais réussi à la voir, elle n'a pas semblé me tenir rigueur de ces absences, revenant graviter dans mon orbite dès mon retour.
Elle cherche désormais ouvertement la compagnie et les câlins ; joue et fait sa folle ; dort sur le lit ; râle quand je la fais attendre un peu trop longtemps ses croquettes ; s'endort sur le fauteuil ou contre le radiateur pendant que je lis, surfe ou tricote sur le canapé ; ne se cache plus systématiquement dès que quelqu'un d'autre rentre dans l'appartement ; se rappelle à mon bon souvenir, le matin, à l'heure de notre petit rituel : un petit morceau de ma tartine, avec lequel elle joue, longuement, sous l'oeil navré de M. Chien, qui ne comprend pas qu'on puisse ainsi traiter de la bonne nourriture...
Alors non, elle ne saute pas sur les genoux pour venir chercher de l'attention ou des câlins, ne se frotte pas contre mes jambes, reste craintive, et il est fort possible qu'elle ne change jamais. Et si parfois ça me frustre, parce que j'oublie qu'elle est un chat, et que c'est à moi de me plier à ses humeurs câlines ou solitaires, au fond, je m'en contre-fiche. Je l'aime. Comme elle est. Avec son caractère de crobard, qui ne dépareille ainsi pas la famille ! ;-)
(Et la cohabitation avec M. Chien, me direz-vous ? Certaines images valent tous les mots...)