Pesanteur
L'échéance de cette drôle d'aventure (ou plutôt, de son préambule) se rapproche, et point n'est besoin d'un calendrier pour m'en informer. La fatigue, les nuits de plus en plus mauvaises, passées à essayer de dormir en position assise pour avoir une chance que le (maigre) contenu de mon estomac ne reparte pas illico par là où il est arrivé, le souffle court, l'impression constante de pesanteur, et cette sensation toute récente de tension permanente dans mon ventre me le disent bien plus exactement encore que les savants calculs de la Faculté, que nous pensons d'ailleurs être erronés.
L'Amoureux a des réunions tous les soirs jusqu'à la fin de la semaine prochaine. J'aurais aimé qu'il puisse toutes les boucler, pour tourner sereinement la page et pouvoir se concentrer pleinement sur notre aventure ensuite. Mais je crains fort désormais que son enfant ne lui en laisse pas le loisir...
Nous ne faisons plus de projets, et les rares rendez-vous que nous prenons ces temps-ci sont tous assujettis d'un avertissement quant à un possible faux-bond de dernière minute.
Quant à moi, j'attends, paisiblement, en passant mentalement en revue tout ce qu'il reste encore à faire pour que nous soyons "prêts"...
Il faudrait ranger les derniers achats, réalisés cet après-midi, produits de toilette et alèse imperméable ; laver ce qui sera sa première tenue, et le doudou bio devant lequel je n'ai pu m'empêcher de craquer, malgré une conscience aigüe qu'il ne serait qu'un parmi beaucoup de doudous sûrement plus attractifs aux yeux d'un tout-petit, parce que plus colorés ; préparer sa valise, et puis la mienne, sans oublier les papiers essentiels, carte vitale, carte de groupe sanguin et reconnaissance anticipée ; vérifier encore une fois la liste des personnes à prévenir, pour s'assurer qu'il ne manque personne, et que toutes les adresses et numéros de téléphone sont bien renseignés ; et puis, remplir encore un peu le congélateur de petits plats réconfortants, comme autant de clins d'oeil à l'Amoureux, qui sera condamné à prendre ses repas en solitaire pendant quelques jours...
D'un moment à l'autre, j'oscille bizarrement entre un sentiment de panique devant ce qu'il reste à accomplir, alors que mon petit locataire peut décider qu'il est temps de faire connaissance à tout moment, et une drôle de sérénité - la fameuse aura des femmes enceintes ?...