Doux-amer
Encore une nuit difficile, presque blanche, rendue plus dure encore d'avoir été précédée de trop de nuits trop courtes. Et ce matin, moi qui n'étais encore que fatiguée, j'ai compris que j'atteignais le stade de l'épuisement. Sans amélioration notable de la situation au niveau pulmonaire, d'ailleurs.
Alors, le retour chez le médecin, pour ne pas prendre mes collègues au dépourvu, lundi, alors que je suis censée assurer la logistique d'une réunion en soirée. La conclusion, pas si étonnante : changement de traitement pour quelque chose de plus raide encore, et prolongation de l'arrêt. La conséquence, logique : un appel au bureau, pour prévenir. Et le sentiment de culpabilité devant la réaction de ma chef de service, froide et méprisante. Je m'étonne à chaque fois de ce talent si particulier qu'elle a pour me faire sentir sale, minable...
Et puis, au retour chez moi, un appel de mon père. La tendresse dans sa voix, l'inquiètude aussi, tout cet amour qui ne sait comment se dire pour cette fille si fragile, si fragilisée. Ses paroles, si méprisantes elles aussi pour celle qui me pourrit la vie depuis des mois, son emportement maladroit qui me crie à quel point il souffre de me voir mal. Sentiment doux-amer de reconnaissance face à cette si rare expression de ses sentiments, de crainte aussi devant son inquiètude : c'est qu'il est lui-même si fragile, mon vieux papa, avec son pauvre demi-coeur infarcté !
De chaque mal naît un bien. Peut-être devrais-je la remercier, finalement, cette chère Madame de Trémaine, pour ce moment précieux qu'elle m'a offert ?... (Heu... peut-être pas quand même !)